Réunion Commerciale au San Théodoros

En choisissant le San Théodoros je m’ouvre la possibilité de condenser mes expériences de réunions commerciales, pas forcément les meilleures, en restant diplomatique avec mes employeurs passés, actuels et pourquoi pas futurs ! Les amateurs des aventures de Tintin connaissent le San Théodoros qui apparait dans l’Oreille Cassée et Tintin et le Picaros. Indirectement on trouve d’autres mentions du pays dans Coke en Stock et les 7 boules de cristal. Ce pays créé

de toutes pièces par Hergé est une caricature sociale et politique des pays d’Amérique du Sud et Centrale traversés par de nombreuses révolutions plus ou moins organisées par la CIA en opposition aux services secrets russes dans la période de la Guerre Froide.

Donc me voici spectateur d’une réunion commerciale San Théodorienne avec José le directeur commercial, ses 10 commerciaux terrain, ses 5 sédentaires, son assistante et son responsable marketing. C’est une réunion conséquente, et José a bien conscience qu’il faut gérer les temps de parole de chacun et présenter un ordre du jour incluant les différentes pauses et une activité surprise pour la soirée entre les 2 jours de réunion. Nous pouvons voir ici qu’il a réuni en une seule présentation PowerPoint l’ensemble des préparations demandées à chacun, ses propres diapositives qui sont, notamment pour l’ordre du jour des copier/coller de documents divers sur lesquels il a pris des notes. Je conseillerais bien à José de lire (ou relire) un billet sur le sujet des présentations qui tuent (ici). Nous allons avoir le plaisir d’examiner 343 diapositives en 2 jours de réunion. A raison de 3 minutes par slide, ça nous mène à plus de 17 heures de visionnage de PowerPoint… Le plan prévoit 14 heures de réunion et je sens que les bonnes intentions de l’agenda de départ sont dès le début mises à mal. Mais restons positifs, nous ne faisons que commencer.

Instantanément après l’agenda, José présente les résultats à la fin de la période comparés avec ceux de la même période de l’année précédente ainsi qu’avec les objectifs. Il s’agit d’un immense tableau Excel avec une multitude de lignes et colonnes. On découvre les résultats par lignes de produit et par secteur commerciaux. On comprend assez vite que les chiffres en vert sont bons alors que ceux en rouge représentent des baisses. En revanche la projection de l’intégralité du tableau est “au minimum” complexe à suivre. Sans attendre les présentations individuelles José s’en prend à Manolito le commercial qui a débuté cette année en lui demandant s’il trouve normal d’avoir tant de rouge dans son graphique. Ce dernier très gêné bafouille une parade :
«  En fait les chiffres de l’année précédente concernent un ensemble de clients différent de celui de cette année »
L’argument ébranle un peu notre José, surtout qu’il est appuyé par Miguel qui lui aussi a beaucoup de rouge :
– « Dans mon secteur c’est pareil, si je prends mes chiffres avec les mêmes clients, j’ai une progression globale de 10,2% alors que là il n’est montré qu’une hausse de 0,4%  »
Là José s’en prend à son assistante :
– « Mais enfin Suzana c’est quoi ces chiffres ? »
– « José, c’est vous qui me les avez donnés hier, j’ai juste remis en forme votre tableau » rétorque la pauvre Suzana terrifiée.
S’en suit une discussion où tout le monde a son idée à propos de l’origine des chiffres et où tout le monde parle ensemble sans écouter les autres. Diapositive #3 = déjà 45 minutes passées sans que rien ne puisse en être tiré.

Tout se passe comme si l’agenda initial n’existait plus. La première présentation individuelle tourne encore au débat inaudible. Ricardo a eu l’idée de prétendre que si les livraisons avaient suivi, il aurait eu des résultats encore meilleurs. Au moment de la première pause, on en est à la 19^ème diapositive. La pause qui devait durer 15 minutes s’éternise car des débats ont repris entre José et certains des commerciaux alors que d’autres sont pendus à leur téléphone avec des clients. Je comprends ces derniers, ils travaillent à faire rentrer des affaires et optimisent ces quelques minutes pour quelque chose de plus constructif. Au démarrage de la 2^ème journée, le rythme s’accélère on doit absolument finir de tout voir et il reste encore 228 slides. Il n’y a plus de temps pour le dialogue et parler de vente, de sujets qui permettent d’échanger des idées, méthodes. A l‘heure théorique de la fin de réunion, les personnes qui avaient un impératif horaire (train, avion…) quittent la réunion. Pour les autres, tout se termine avec 2 heures 30 de retard. Quoi qu’il en soit j’ai bien peur que la motivation n’ait guère augmenté chez les commerciaux San Théodoriens.

Horribles les réunions commerciales au San Théodoros ! Chez nous ça ne se passe jamais ainsi. Nos réunions sont toujours finement préparées, chronométrées, répétées et relues en détails. Nous avons toujours un ou des objectifs de réunion (pas plus de 3), un ou des messages clairs à faire passer. Surtout ce que l’on veut c’est que les commerciaux repartent des réunions gonflés à bloc, optimistes et prêts à faire des merveilles, à se défoncer pour notre entreprise. Nous envisageons notre rôle en vue d’aplanir les difficultés afin d’améliorer le futur. Nous finissons avec 1 heure d’avance sur le planning et ça nous permet de lancer une discussion ouverte sur des sujets qui tiennent à cœur aux uns ou aux autres. Et de la même manière que tout le monde reçoit l’agenda des réunions par avance, nous établissons tout au cours de leur déroulement les actions à mener avec une échéance agréée pour chacune. C’est certain nous ne sommes pas des San Théodoriens. Certain ?

A bientôt.