Grand parmi les grands de la physique quantique, Paul Dirac n’a que 25 ans lorsqu’il est convié au 5ème Conseil Solvay (dont il est question ICI). Ce sont des conférences organisées par Ernest Solvay où se retrouvait tous les 3 ans le gratin de la science. En septembre 1927, Paul Dirac brillant étudiant en physique, qui a déjà vu ses recherches publiées près de 10 fois avant qu’il ne finisse sa thèse, se passionne pour la mécanique statistique et ses utilisations en physique quantique des atomes. Sa démonstration de l’équivalence physique entre la mécanique ondulatoire et la mécanique matricielle lui a valu toute l’attention des participants au congrès puisque le thème était « Electrons et photons ».
Albert Einstein lui-même présent à ce 5ème Conseil Solvay a pu se rendre compte à quel point Paul Dirac était un taiseux. C’est vrai qu’il s’exprimait très peu. Ses camarades de classe avaient inventé une unité de mesure du débit de parole, le « Dirac ». Un « Dirac » correspondait à 1 mot par jour. Une telle réputation ne s’acquiert pas sans bonnes raisons. Paul Dirac disait « La parole ne fonctionne pas comme l’artillerie. Quand on parle, l’abondance de la mitraille ne compense jamais l’imprécision du tir »…D’autres physiciens se trouvaient à ce congrès et Paul Dirac prit contact avec le danois Niels Bohr, l’autrichien Erwin Schrödinger (celui du chat) et l’allemand Werner Heisenberg, et quelques autres stars de la physique quantique.
Bien ennuyé lors d’un voyage en train où Dirac restait muet, Wolfgang Pauli tentait de lancer la conversation sans beaucoup de succès jusqu’à sa remarque : « Regardez Dirac, les moutons, là, ont l’air d’avoir été fraichement tondus ». Paul Dirac se tourne vers les moutons, les scrute en détail et au bout de quelques secondes répond « En effet, ils sont fraichement tondus, de ce côté-là du moins ». A un journaliste qui l’interrogeait « Vous avez déclaré qu’une équation doit être belle. Pouvez-vous m’expliquer? » Dirac répondit « Non. Si vous ne connaissez pas les mathématiques, vous ne comprendrez pas. Si vous connaissiez les mathématiques vous comprendriez exactement ce que ça signifie ».
Russe et fier de l’être le physicien Peter Kapitza donna « Crime et Châtiment » de Dostojevski à Dirac. Quelques temps plus tard, Kapitza le questionna pour savoir s’il avait aimé. « C’est bien » répondit Dirac pour seul commentaire sur cette oeuvre magistrale « Mais dans un des chapitres l’auteur a fait une erreur. Il décrit le lever du soleil 2 fois le même jour ». Une autre fois Dirac était dans un séminaire qui se déroulait dans un château. Un des invités prétendit qu’une des chambres était hantée et qu’à minuit un fantôme apparaissait. Dirac ne remit pas l’histoire en doute mais posa une seule question « Est-ce à minuit, heure d’été, ou minuit heure GMT? ».
Il faut concéder une forme de justesse ou de précision à ses rares paroles. Il n’était pas que particulier, il était un savant exceptionnel : infatigable travailleur acharné, il participe à toutes les recherches du moment, ses résultats sont publiés par les plus grandes revues. Il est professeur au St. John’s College dès 1927 et à Cambridge en 1932 (donc à 30 ans). En 1930 il publie « Les principes de la mécanique quantique », un ouvrage qu’il perfectionnera sur 14 éditions jusqu’en 1968. En 1933, (à 31 ans donc) il partage le prix Nobel de physique avec Schrödinger.
Entre tous ses projets de recherche il trouve le temps de se marier avec Margit Wigner elle même soeur du physicien Eugene Wigner. Il se marie et adopte les 2 enfants issus du premier mariage de son épouse avec qui il aura 2 filles. Il reste à Cambridge jusqu’en 1969 où il s’établit aux USA. Il considérait que l’intérêt de la science était supérieur à celui des politiques des pays, il était membre de l’académie des sciences de l’URSS et de la société chinoise de physique tout en étant un membre reconnu de la Royal Society, de l’Institut de France, de l’académie américaine de physique… et une bonne vingtaine d’autre. Dirac laissera à la science son équation à propos de laquelle il dira « qu’il est plus important qu’elle soit belle que juste ».
L équation décrit l’électron en termes à la fois de sa fonction d’onde – la probabilité quantique de sa position – et de sa masse multipliée par la vitesse de la lumière et donne une interprétation relativiste de son énergie. Cette équation implique l’existence d’antimatière qui est également un apport de Paul Dirac à la connaissance humaine. Convenons en, même sans comprendre les mathématiques et la physique quantique, elle est belle. Une équation égale à zéro est souvent belle.
Elle décrit le phénomène de l’entrelacement quantique, qui affirme « Si deux systèmes interagissent entre eux pendant une certaine période de temps puis se séparent, nous pouvons les décrire comme deux systèmes différents, mais d’une manière subtile, ils deviennent un système unique. Ce qui arrive à l’un continue à affecter l’autre, même à distance de kilomètres ou d’années lumière ». N’est-ce pas une magnifique description de ce qu’on appelle l’amour? C’est la plus belle équation jamais écrite.