Généralement je ne rentre pas trop dans les détails lorsque je visite un pays pour la première fois. Là il s’agit du Bangladesh… La réputation n’est pas très bonne. Le pays est classé 129/191 en ce qui concerne le développement humain. La corruption place le Bangladesh au rang 147/180 en 2022. L’indice « Doing Business » classe en 176ème position le pays sur des critères administratifs et logistiques. Ici la densité de population est la plus importante du monde de 1’148 habitants par km2. Tout ne peut pas être négatif, le pays possède la plus grande forêt de mangrove du monde dans laquelle s’ébattent tigres, lions, jaguars et autres panthères. Il y a aussi la plus grande plage du monde de plus de 120 Km. Et parmi les statistiques, on apprend que 137’317’803 personnes ont subi un schéma vaccinal COVID complet sur 162’650’853 habitants. 84.5% tout de même. Donc j’ai maintenant une idée statistique sur le Bangladesh mais aucune de ce à quoi peut ressembler un pays si mal classé.

Alors à quoi s’attendre quand on arrive à Dhaka par l’avion? D’abord c’est la place dans l’avion pour aller vers Dhaka. L’appareil était à peine rempli à 40%. Dès l’atterrissage, le passage au travers du duty-free en dit long. Des échoppes mal éclairées qui proposent toutes le même assortiment étique : 30 cartouches de cigarettes, 15 bouteilles d’alcool et 10 flacons de parfum. La dèche totale. Les formalités sont plutôt rapides, certainement grâce au faible nombre d’arrivants dans la zone « non-national ». Tout de suite le bruit. J’ai de la chance un chauffeur avec une pancarte m’attend. Avec 17 heures de voyage, s’occuper de trouver un taxi lorsque’on débarque en Asie est l’arnaque garantie : soit c’est cher, soit c’est long, parfois les 2 mais jamais rapide et bon-marché. Il me fait traverser une place où crient des gens derrière les barrières qui les arrêtent. Le tout sous l’oeil attentif de militaires en tenue et armement de combat.
Bien installé sur la banquette en skaï d’une Toyota toute égratignée d’à peine 580’000 Km, je sors de la zone aéroport. Des gens sont encore derrière des barrières et crient. Le chauffeur me répond dans un anglais approximatif, qu’il ne faut pas faire attention et que ce n’est pas important. La densité du traffic est impressionnante. La variété des véhicules à moteur thermique et les fumées qui s’en échappent est également un spectacle unique. Des bus sans feux arrières, voire sans feux du tout. Des camions hors d’âge surchargés au delà du déraisonnable. Unique d’autant plus que des forçats pédalent sur des rickshaws emportant des charges inhumaines, des chars à bras, des véhicules les plus divers à motorisation électrique et des piétons partagent le même espace. Une incessante rumeur de klaxons se fait de plus en plus pressante.
Rien qu’un regard sur les unes de la presse locale confirme la première impression : la circulation est un gros problème. 27 personnes tuées lors d’une sortie de route d’un bus et 6 autres dans une collision avec un train. Rapport pour le 18 mars 2023 et pour l’arrondissement de Dhaka. Il y a quelques routes bitumées assez larges et séparées en 2 voies par des barrières en béton. Dès la prise d’une voie perpendiculaire, le bitume s’arrête. En mars c’est très humide. Il n’est pas besoin de sortir des « autoroutes » pour être confronté à la misère. Au contraire pratiquement. Les hameaux hors des grandes voies se sont constitués autour d’usines. La main d’oeuvre s’installe à proximité de l’employeur. Suivent ensuite les commerces pour assurer le gîte et le couvert à ces gens qui ont un salaire. Un ouvrier textile touche l’équivalent en Taka de 50 euros par mois.
Il manque au Bangladesh à peu près tout sauf d’eau. Il existe une multitude d’étangs alimentés par une plus grande multitude de ruisseaux. Ces étangs sont poissonneux et des familles de cultivateurs établissent des « hameaux » sur pilotis avec 4 ou 5 cabanes sur le bord de d’un étang. Les parois de la cabane sont en tôle ondulée et à dire vrai montées sur de si fines tiges, leur maintien parait miraculeux. Ces gens n’ont rien, absolument rien. Alors ils cultivent un peu de riz en drainant de l’eau de l’étang dans des rizières artisanales. Ils pêchent aussi dans l’étang. Ils ont installé un système de filets qu’ils déclenchent quand une grosse prise est en vue. Un peut plus loin en amont une entreprise textile rejette dans les ruisseaux ses excédents de teinture. L’étang dont je parle était bleu marine. Des gens avaient un gros poisson et des enfants étaient joyeux. Ça allait être la fête….
Et il ne faut pas attendre longtemps pour longer un champ de détritus de plusieurs kilomètres dans lequel des groupes d’enfants trient des bouteilles en PET, des bouchons, du carton… Combien va rapporter à sa famille un enfant en triant des ordures, ici? On parle de quelques centimes … pour une journée d’école manquée. Ce n’est pas la famine mais ce n’est certainement pas non plus la variété alimentaire qui pourrait protéger des carences. C’est simple, avec mon mètre quatre-vingt-six, je suis un géant au Bangladesh. Dans les autres pays d’Asie visités, je suis simplement grand. Il y a 25% de la population du Bangladesh qui n’est pas alphabétisée soit plus de 40 millions de personnes. exposées au pire simplement par naissance.
Logiquement je m’interroge sur les mesures écologiques qui sont prises en Europe. On parle d’interdire la commercialisation de voitures à moteur thermique en 2035. Plus concrètement si on n’affiche pas la bonne vignette sur sa voiture, ou si le carburant n’est pas celui qui est toléré on peut être interdit de circulation en Europe. Des sommes folles sont investies pour contrôler automatiquement la présence de telle vignette afin de contraindre le père de famille en Touran TD à renoncer à son droit de garde, car il pollue. Tout ceci existerait pour sauver la planète, il s’agit de faire baisser nos émissions de CO2 et autres gaz à effet de serre. Soit. On parle de pays qui ne représentent que 10% de ces fameux gaz, où le parc automobile est contrôlé techniquement régulièrement. On sent bien que ça va avoir un impact écologique global situé entre incertain et nul alors que l’impact économique local pourrait être violent.
Ecologistes en carton (ICI) et écologisme de salon nous conduisent à un appauvrissement en Europe sans envisager d’enrichissement là où ils ne daignent porter le regard. Quelle fraction d’un budget de COP 21 et suivantes permettrait d’équiper l’ensemble des teintureries au Bangladesh afin qu’elles n’empoisonnent plus leurs ouvriers? Une fois celles-ci équipées les taxes à l’importation de leurs produits pourraient être logiquement baissées. En effet, tout ce qui pollue doit être taxé et ce qui dépollue doit être détaxé. On pourrait rentrer dans un cercle vertueux : moins de pollution et plus de développement économique par un standard écologique. Et bien non, il semble que la chasse aux moteurs diesel soit plus lucrative. L’adage « L’impôt est une amende pour ceux qui s’en sortent mal, l’amende est un impôt pour ceux qui s’en sortent bien » s’applique à merveille pour les adorateurs de la VERTue. En attendant que tout ce cirque s’arrête (ça peut être long), je confirme qu’une consommation unique de poisson issu d’un étang local est compatible avec une survie de 8 jours.