Compliqué, est la première réponse qui me vient à cette question.
Tout d’abord le protocole à respecter est important pour les chinois. Et il commence dès la remise des cartes de visite. On la donne à 2 mains en s’inclinant un peu vers son interlocuteur et on est censé prendre la carte tendue à 2 mains également. Je n’ai toujours pas trouvé comment tendre à 2 mains une carte que l’on me donne pendant qu’en même temps je tends une carte à 2 mains ! Avant même cette première difficulté, le visiteur doit donner sa carte dans l’ordre hiérarchique en commençant par le plus haut gradé puis ses collaborateurs. Le chef est présenté comme tel et devant les marques de respect il est facile de l’identifier. Parfois les chinois viennent à 8 ou 10 à une réunion, et là, il est plus complexe de distinguer un N-2 d’un N-3…. De façon pragmatique je repère ceux qui préparent leurs cartes de visite pendant que je donne la mienne au chef (les N-2 « potentiels ») et ceux qui n’en n’ont pas (les N-3 « probables »).
Une visite client en Chine c’est le test de patience par excellence. Un chinois va « coincer » sur un détail technique tout en refusant de vous éclairer sur le contexte ou les raisons qui le font s’intéresser à ce point précis. Les questions du type « pouvez-vous m’en dire plus sur … », « aidez-moi à vous aider, pourquoi…. », ou « Et vous voulez faire quoi exactement… » tombent toutes à l’eau. Dans mon domaine qui est assez technique, il est délicat voire dangereux de donner des réponses précises sans connaître les raisons techniques de la question. Je résous (au moins pour moi) en détaillant 2 ou 3 possibilités tout en mentionnant que je ne peux me prononcer plus faute de précisions sur l’application. Parfois ils accrochent et finissent par lâcher les informations au compte-goutte, parfois non. 50/50.
La plus grande difficulté est la langue. De notre côté de la planète, à moins d’être originaire de Chine, on parle peu le chinois. Pour les chinois, à moins d’avoir une bonne raison, c’est pareil ils sont très peu à parler l’anglais (pour ce qui est du français ou de l’allemand c’est extrêmement rare de trouver des locuteurs). L’anglais parlé par les Chinois est de très faible niveau, ils parlent surtout le « Chinglish ». Donc lorsqu’il s’agit de vente, on peut s’attendre à des situations délicates où il faut interpréter avec des informations partielles. Il s’agit de faire parler le client, le comprendre et lui communiquer un message. Ici ça se complique vite et on arrive à des situations amusantes ou énervantes suivant notre implication.
Un client pose une question technique qui m’est traduite par mon agent (appelons-le Wang). Je réponds après m’être assuré de 2 ou 3 points de manière à avancer des points attractifs, uniques et avantageux qui comblent ce besoin dans ce cas d’application. Je n’ai évidemment pas chronométré mon temps de parole, mais c’est certainement 1 minute à 1 minute 30. Lorsque Wang traduit il lui répond en moins de 10 secondes.
- Mais là Wang, tu ne lui as pas tout traduit lā?
- Non mais de toute façon il trouve que c’est trop cher et en plus je ne suis pas sûr qu’il comprenne.
- si tu ne lui traduis pas l’explication il ne comprendra pas. Et puis comment ça trop cher ? on, n’a pas parlé de prix encore.
- Si, si. Il m’a demandé alors je lui ai donné.
- Mais enfin Wang on a déjà eu cette discussion. On ne donne un prix qu’à 2 conditions : il y a un besoin identifié auquel on sait répondre et on a une vision claire du processus d’achat.
- Je sais ça. Mais il demande je suis bien obligé de lui répondre. Autrement je lui manque de respect.
- (…. Aarrghh…)
Le tout se passant en direct devant le client qui sent bien que c’est lui qui mène la danse !
La relation avec le prix est en Chine très particulière. Il y a tous les niveaux de concurrence et pour mon type de produits les fabrications occidentales sont encore les meilleures. Ceci n’étant valable que pour certains marchés et ne le sera vraisemblablement pas pour longtemps. Donc on est confronté à du très mauvais mais à des prix si bas que la question de l’utiliser et d’organiser le changement plus fréquent est légitime. Les partenaires commerciaux comme les agents ou les vendeurs trouveraient normal d’avoir la qualité occidentale aux prix chinois. Leurs réflexions les plus courantes sont du type « le marché chinois est immense et si vous voulez aller vite, il faut baisser les prix ».
Pour finir sur la complexité de la vente en Chine il y a le niveau de relations à avoir. On fait de bonnes affaires avec ses amis. Alors les clients sont « toujours » des amis. Quand je dis à mes partenaires qu’il y a une différence importante entre la relation commerciale et la relation personnelle, ils me regardent comme si j’étais un martien. Eux ils vont se saouler avec le client. C’est bien connu en Chine, on ne peut avoir été saoul qu’avec des amis.
Compliqué disais-je au début. Compliqué.