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En Allemagne pour monter mes prix

Cette semaine et la semaine prochaine je voyage en Allemagne dans le but de proposer ou du moins annoncer des augmentations de prix. Les allemands sont les plus durs à convaincre dans ce cas précis de négociation. Même les suisses qui vivent hors zone Euro et qui, bien que partant de très haut et qui sont habitués à la stabilité des prix, sont plus simples à convaincre. La Suisse a baissé le premier janvier 2018 son taux de TVA de 8% (qui était déjà parmi les plus faibles du monde) à 7,7%. Donc disais-je avant de m’interrompre moi-même que les allemands sont compliqués à convaincre du bien-fondé d’une hausse de prix. C’est d’autant plus paradoxal que dans le cas contraire, ils sont très bons lorsqu’en tant que fournisseur ils veulent augmenter pour rendre la chose pratiquement indiscutable.

Donc armé de tableaux suffisamment clairs pour être convaincants mais pas trop beau pour ne pas être trop tape-à-l’œil et inspirer le doute, je rencontre quelques gros clients. Comme j’ai eu l’occasion de le préciser dans un précédent billet il faut absolument préparer ses visites. Mes tableaux sont une partie de la préparation. Je vais étudier les dossiers clients, et chercher dedans le ou les points sur lesquels mes clients vont attaquer :

« Vous comprenez sur cette livraison de votre en retard nous avons dû payer telle pénalité à notre client car, à cause de vous, nous n’avons pas pu respecter nos engagements. Nous sommes étonnés que vous vouliez augmenter vos prix alors que nous n’avions rien réclamé au moment de votre livraison »

Ou variante:

« Savez-vous que nous avons fait une étude de durée de vie de vos produits comparativement à ceux de votre confrère X ? Cette étude montre que même si vos produits sont meilleurs la différence de prix entre vous et X est à ce jour non justifiée. Si vous augmentez vos prix à nouveau, nous devrons sérieusement revoir notre position de collaboration et partager le marché différemment à l’avenir ».

Mais le plus inconfortable c’est l’objection non prévue, inattendue LA surprise. Et les allemands sont très forts pour mémoriser une chose et la ressortir au moment opportun. Dans ces cas-là tout peut arriver. On fait de l’équilibrisme et la chute sans être mortelle présente de nombreux inconvénients : perte de chiffre d’affaires, perte de marge… Et c’est dommage lorsqu’on est venu avec l’idée de gagner quelques pourcent de chiffre d’affaires et beaucoup de pourcent de marge.

La vente est un jeu et je pense l’avoir déjà dit dans un de mes billets. Il faut penser l’attaque inattendue comme une chance de vendre plus et plus cher.

Pour jouer donc une fois que le client a expliqué son objection, je lui demande toujours s’il y a quelque chose d’autre. Souvent les clients sont étonnés, ils sont venus avec l’artillerie lourde et j’en demande encore! Lorsqu’ils ne sont pas surpris c’est qu’ils ont d’autres munitions et dans ce cas il vaut mieux qu’ils les utilisent avant de commencer à parler. Sans cela on se retrouve vite dans un ping-pong oral sans fin. Une fois le problème cerné (ou les problèmes cernés), j’applique la règle des « 3 pourquoi » :

  • « Pourquoi est-ce problématique chez vous ?». Ce premier « pourquoi » permet de prendre des informations sur la situation perçue par le client.
  • «  Pourquoi est-ce vous qui m’en parlez ?» Je rappelle que je suis là pour parler de hausse de tarifs avec des grands comptes. Donc ce genre de discussion se fait avec les achats ou la direction lorsque les structures sont plus petites. les réponses permettent de déterminer le circuit de décision (la « chain of command » comme disent les anglophiles).
  • « Pourquoi n’en parle-t-on que maintenant ?». Là c’est plus joueur et cette question permet d’évaluer les conséquences exactes de notre problème.

La plus grande vertu de la règle des 3 pourquoi, en dehors de la compréhension des problèmes à effacer qu’elle apporte, est de gagner du temps et de permettre de réfléchir un peu aux conséquences des options disponibles.

Ensuite c’est « si je …. Est-ce que vous…. ? ». Traduit par les américains, qui définitivement ont le sens de la formule, en « win-win » donc « gagnant-gagnant ». « Si je m’engage sur ce point, est-ce que vous pouvez vous engager sur cette autre chose ? »

Souvent ça fonctionne. En tout cas l’Allemagne c’est la meilleure école que je connaisse à ce jeu.

Par baichette

Passionné de voyages, photos avec un téléphone et de vente.

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