Gensfleisch zur Laden zum Gutenberg est le patronyme complet de Johannes Gutenberg. Ce dernier est reconnu comme ayant développé l’imprimerie à Mayence entre1448 et 1450. L’apport de l’imprimerie est massif en ce qui concerne l’Europe de l’Ouest particulièrement. Le clergé a tout de suite compris l’intérêt du concept par une simple calcul de productivité : Il fallait à cette époque 3 ans de travail acharné d’un moine copiste pour reproduire une seule Sainte Bible de type «Vulgate de Saint Jérôme» alors qu’une imprimerie, même à très faible rendement permettra de multiplier la production par un facteur supérieur à 1000. Cette innovation a permis de démocratiser la possession d’une Bible qui représentait, encore, ce que 2 à 4’000 CHF (ou EUR en ce moment) représentent aujourd’hui. L’imprimerie Gutenberg propose sa Bible B42 en reliure cuir de 66 cahiers comptante en tout 641 feuillets de 84 lignes réparties sur 2 colonnes. Les enfants pouvaient apprendre à lire avec le Saint Ouvrage ce qui garantissait une forme d’endoctrinement religieux dès les plus jeune âge.
Avant d’aller plus loin attardons nous sur la technique. On a tous vu des « caractères mobiles » d’imprimerie. Ce sont ces lettres en plomb, en relief et à l’envers, sur un long support en bois ou métallique. L’assemblage de ces lettres en séquences permet de former des mots, phrases, articles de journaux… En 1448, il n’y avait pas ce qu’on appelle les « caractères d’imprimerie » pour la simple raison que l’unique référence pour Johannes Gutenberg était la calligraphie. Donc les premiers caractères mobiles reproduisaient chacun une lettre calligraphiée. Le challenge relevait dans le fait que quelle que soit sa position, une lettre devait être fluide avec la suivante et/ou la précédente. Le « prepress », comme on dit au 21ème siècle, représentait une tâche très fastidieuse lorsqu’on voulait imprimer 641 feuillets.
Bien qu’il eut beaucoup de travail avec sa Bible B42, Gutenberg commençait à recevoir des commandes de savants qui voulaient diffuser leurs connaissances et en faire commerce. Les paysans accédaient aux connaissances agricoles qui leur permettaient de planter, protéger, entretenir les bonnes cultures à la bonne saison. La médecine, les techniques étaient également diffusées et avec elles le progrès. Dès 1455 de très nombreux ouvriers imprimeurs sont partis dans toutes les directions à partir de Mayence pour installer des imprimeries partout en Europe.
Riche et puissant était celui qui possédait des terres avant l’invention de l’imprimerie. Il n’y avait en ce temps-là que 2 options : on devenait vassal de celui qui possédait le plus de terres ou on entrait en guerre avec lui. Toutes les alliances, combines, mariages arrangés et finalement guerres du Moyen-Âge se rejoignent dans l’objectif d’agrandir les territoires des participants. Grâce à l’imprimerie, l’Europe s’est transformée en un territoire ou le savoir donnait plus de pouvoir que la terre. C’est d’ailleurs toujours valable en 2023; le savoir c’est le pouvoir.
Il faut se souvenir que la langue commune à toute l’Europe de l’Ouest était le latin. Un ouvrage médical écrit et imprimé à Mayence se comprenait partout en Europe. Pour l’immense majorité, il n’était pas question d’écrire mais simplement de lire. Les progrès du domaine agricole et réduction des famines, la meilleure santé des paysans et l’amélioration des outillages ont très rapidement permis de stabiliser les ressources. L’Europe de l’’Ouest, malgré ses nombreuses guerres, a connu sa plus longue période de croissance ininterrompue, soit plus de 150 ans. Toutes les productions ont progressé grâce à la transmission et l’archivage des connaissances.
En développant l’imprimerie Gutemberg est le véritable déclencheur de la période que les anglo-saxons nomment « early modern Europe » (début de l’Europe moderne) et qui décrit mieux l’époque que « Renaissance » en français. Florence, Rome, Padoue, Naples ont les premières créé des bibliothèques toutes plus fournies les unes que les autres, avec pour objectif d’attirer les savants du monde entier. Et ce fut un tel succès que toutes les grandes villes leur ont emboité le pas en créant écoles, universités, théâtres, garnisons. Les savant faisaient devant les rois et seigneurs des démonstrations explosives ou lumineuses et toujours impressionnantes en échange du financement de leurs recherches.
Le plus grand cadeau que Gutenberg a fait à l’humanité est la littérature. Le partage des techniques a rapidement été suivi par celui des histoires et légendes. Ensuite la créativité naturelle humaine a initié la diffusion des idées à grande échelle. Et enfin les émotions ont été décrites. Grâce à la littérature (hélas) qualifiée de « classique » on peut essayer de comprendre comment on pensait quand on était princesse à la cours des Valois au 17ème siècle ou franc-comtois fou amoureux au 19ème. On sait ce qu’avaient à dire Victor Hugo, Jules Verne, Gustave Flaubert, Alexandre Dumas, etc. Il nous reste Molière, Racine, Corneille… Que seraient-ils tous devenus sans Gutenberg?
Et si ChatGPT était comparable aux premiers caractères d’imprimerie ? A l’époque de Gutenberg la référence était la calligraphie. Début 2023, la référence en moteur de recherche est Google. Google est basé sur un modèle statistique. Si on résume à gros traits et hormis la publicité ce qui ressort d’une requête est basé sur des moyennes. ChatGPT, l’intelligence artificielle, reproduit le standard et base ses réponses sur un modèle statistique. Pour du code informatique c’est un excellent assistant fiable à 80% (Pareto quand tu nous tient). S’il s’agit de conseils, le côté technologique totalement bluffant les réponses de l’IA sont décevantes et fades. Les imprimeurs d’antan se sont débarrassé de la calligraphie en développant leurs polices de caractères standards. En ce qui concerne l’IA, il n’est pas question de standard mais plutôt de changement de modèle. Aujourd’hui on questionne l’IA, on précise à nouveau si on est pas satisfait. Nous donnons notre besoin jusqu’à que l’IA nous trouve une solution. Lorsque l’IA sera en mesure de nous questionner pour comprendre notre problème et nous aider à le résoudre, nous connaitrons une révolution technologique comparable à l’apport de l’imprimerie.
2 réponses sur « Gutenberg et ChatGPT »
Très bel article comme toujours avec un maximum d’infos
L’imprimerie nous vient d’Asie et du Moyen -Orient et on reconnais à Gutenberg l’invention du caractère mobile à base de plomb et d’antimoine
Excellente continuation Philippe et Merci
Très bel article, merci pour cette analyse!