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Vendredi 13 – Marseille

Tout frais dans mon costume de vendeur avec cravate s’il-vous-plait, j’avais la veille au soir étudié mon atlas Michelin et mon plan-guide Blay pour la ville de Marseille pour déterminer la demi-heure de sécurité. Ce vendredi 13 (Dieu merci, je ne suis pas superstitieux, ça porte malheur!) m’avait gâté. Mes minutes d’avance sont parties en fumée à cause de la furie intestinale des mouettes du quartier… Il faut laver cette voiture.

Goélands et mouettes ont été séduits par la couleur de mon premier véhicule de fonction. Une BX 19RD Bordeaux (couleur dénommée « Rouge Delahaye » chez Citroën…) intérieur marron clair (le modèle favori des octogénaires de l’époque) qui m’apparait exactement à l’endroit où je l’avais garée la veille mais maculée des excréments de dizaines de ces volatiles. Je sors de ma première nuit d’hôtel en tournée commerciale, j’ai payé mon hôtel Campanile de la banlieue d’Aix en Provence. J’ai en théorie 30 minutes d’avance sur mon estimation du temps de trajet.  Tout frais dans mon costume de vendeur avec cravate s’il-vous-plait, j’avais la veille au soir étudié mon atlas Michelin et mon plan-guide Blay de la ville de Marseille pour déterminer la demi-heure de sécurité. Ce vendredi 13 (Dieu merci, je ne suis pas superstitieux, ça porte malheur!) m’avait gâté. Mes minutes d’avance sont parties en fumée à cause de la furie intestinale des mouettes du quartier… Il faut laver cette voiture.

Apprenti vendeur, je note sur mon carnet dans la rubrique « Organisation » 2 choses : « Il y a des aléas qui seront difficiles à anticiper » et « Il faut modifier le plan initial au mieux pour rester dans la tranche de retard acceptable ». Je dois trouver une station-service munie d’un car-wash pour laver cette horreur car je ne peux arriver chez le prospect dans cet état.  Ça me donnera l’occasion d’acheter du liquide lave-glace car je n’en ai plus depuis Valence Sud. Bien entendu les volatiles n’avaient pas épargné le pare-brise. Je reprends mon carnet et note dans la rubrique « Véhicule de société » 2 nouveaux aide-mémoire : « Avoir un bidon de lave-glace d’avance est une excellente précaution » et « Avant d’actionner les essuie-glace se poser la question du niveau de lave-glace présent». Par chance j’avais un fond d’Orangina qui a fait office de liquide de lavage pour m’offrir un peu de vision vers l’avant du véhicule. Une boisson sucrée pour nettoyer du guano frais est loin d’être le moyen le plus efficace cependant.

Bien content d’avoir géré cette première étape plutôt rapidement, je me mets en route vers la sortie du parking du Campanile quand je réalise que sur l’autoroute je ne trouverai pas de car-wash. Je m’arrête après 17 mètres pour consulter la carte Michelin et trouver une Route Nationale me permettant d’envisager le lavage. Je profite de l’arrêt pour ouvrir la rubrique « Organisation » et inscrire « Avant de se mettre en route s’assurer de savoir où l’on va ». Le programme 5 le plus complet est terminé et les dégâts ne se voient plus, je n’ai pas pris de retard et m’auto-félicite : « Il me reste 18 Km le rendez-vous est à 09:00, j’ai le temps de prendre un café. Je l’ai bien mérité ». Et quoi de mieux que la station-service et son distributeur de boissons ? Je m’envoie un expresso de machine qui fait un bruit de locomotive à vapeur avant de délivrer un liquide noirâtre, insipide et tiède. Un régal.

Ragaillardi par ma dose homéopathique de caféine je remonte dans la BX 19 RD bien décidé à rejoindre Marseille. En quelques minutes la circulation s’est densifiée sérieusement. Un peu plus tard, à l’arrêt dans le bouchon, j’ai le temps d’ouvrir mon carnet et de reporter « Les rendez-vous dans le centre des grandes villes sont à éviter avant 10:00-10:30 quand on vient en voiture ». La raison l’embouteillage était double, au même endroit et au même moment, la construction d’un métro et un nouvel accès à une voie rapide. Le temps passe et mon impatience monte exponentiellement. Une nouvelle déviation m’oblige à m’arrêter pour consulter le plan. Mon absence de sens l’orientation me conduit inexorablement à des détours à l’intérieur de détours. Le temps passe toujours et le café se manifeste par une envie pressante de soulager ma vessie. Mais il faut que je trouve mon chemin en même temps. Le stress est là. A une station de taxis, j’avise 2 chauffeurs qui papotaient devant leurs voitures pour qu’ils m’indiquent la route. Après avoir remarqué ma plaque d’immatriculation parisienne et constaté mon jeune âge, l’un des 2 répond : « Oh peuchère ! C’est que c’est compliqué, Bonne Mère ! Il faut traverser le 14ème et avec les travaux du métro… Tu irais par où toi Toussaint ? » et Toussaint de compléter « Non vous n’allez pas y arriver avant 1 heure. Vous feriez mieux de prendre le taxi ! ».

Il est assez évident que ces 2 là n’allaient pas m’aider beaucoup. Je change de plan immédiatement. Une place de stationnement devant un café me parait une belle opportunité. En m’arrêtant ici je vais pouvoir étudier une route et un temps de trajet, téléphoner pour annoncer mon retard, soulager enfin ma vessie et prendre un café, un vrai. Celui de la station était indigne. Je pousse la porte du « Gina et Paul » où seule derrière le bar, Gina attend le client en essuyant des verres. « Bonjour. Est-il possible de téléphoner sur Marseille, aller aux toilettes et ensuite avoir un express s’il-vous-plait ». Et Gina de répondre « Eh bé ! ça en fait des choses. Allez-y le téléphone est sur le comptoir et les toilettes dans le couloir là, première à droite. Il y a dégain ! ». Mon prospect s’est montré d’autant plus compréhensif quant à mon retard, qu’il avait lui-même oublié le rendez-vous. Avec une marge de sécurité tout aussi théorique que la précédente, nous convenons d’un horaire. Ensuite j’attends.

Etonnée la tenancière de l’établissement me demande « Vous n’allez pas aux toilettes ? Vous voulez le café d’abord ? ». « C’est que… je n’ai vu personne sortir…». « Vous n’avez vu personne sortir, c’est normal il y a dégain ! ». « C’est pour ça, j’attends que Dé… Dégain sorte pour y aller… ». Le visage de de Gina s’éclaire d’un grand sourire. Elle crie en direction de la cuisine « eh Paulot ! Le Monsieur attend que dégain sorte des toilettes pour y aller !».  Ce qui provoque l’hilarité de Paulot qui la communique à sa compagne. Je ne sais pas pourquoi ils rient, je me trouve un peu comme un idiot jusqu’à qu’un peu calmée Gina m’explique : « Il y a dégain, à Marseille veut dire il n’y a personne». Je rigole avec eux de bon cœur et me rends aux toilettes pour ensuite boire un café, un vrai, et enfin arriver chez mon prospect.

Le temps de cette courte pause a été suffisant aux pandores municipaux locaux pour m’infliger une contravention en raison du non-paiement des frais de stationnement au parcmètre. Les 2 préposés aux contraventions étaient occupés à verbaliser un autre véhicule quelques mètres plus loin. Je prends mon papillon et vais les voir dans l’espoir de discuter l’affaire. Les véhicules garés derrière le mien présentaient des parcmètres aussi vides que le mien mais n’avaient pas reçu la moindre contravention… « Bonjour messieurs, je ne suis resté que le temps de téléphoner à mon client pour prévenir de mon retard. Vous pourriez annuler la contravention ? ».  « Dominique qu’est-ce que tu en penses ? Il a l’air sympathique on peut faire quelque chose ? ». « Ah non on peut pas ! ». « Quoi on peut pas ? Eh Dominique, pourquoi ?». Là j’ai commis l’erreur « En plus les voitures derrière la mienne n’ont pas payé leur stationnement et vous ne les avez pas verbalisées… ». Et Dominique de s’adresser à son collègue « Tu vois Jean-Pierre, c’est un parisien, sinon on l’aurait pas verbalisé. Et bien, on a bien fait Bonne Mère ! Il commence déjà à faire des histoires ! ». Jean-Pierre se retourne vers moi d’un air faussement triste « Vous comprenez Monsieur, si vous n’aviez pas fait d’histoires, même avec une plaque parisienne on aurait pu faire un geste… ».

Enervé par l’aventure et sa fin médiocre, mais malgré tout bien décidé à affronter ce premier rendez-vous de prospection dans le « dur » avec succès, j’arrive chez le client gonflé à bloc.  Bien entendu rien ne s’est passé comme prévu. Je n’ai pas réussi à poser les bonnes questions puisqu’elles me sont venues à l’esprit une fois le rendez-vous terminé. Le soir suivant après mes visites de la journée, je notais sur mon carnet à la rubrique « Vente » « Se faire expliquer en détails l’activité de la société est une source quasi-inépuisable de questions ». Chasseur dans l’âme j’ai traqué le premier prospect de ce vendredi 13 pendant 3 ans en contacts téléphoniques réguliers. Un jour il a craqué. J’ai eu une commande de 587.40 francs… Cette affaire est loin d’être la plus grosse traitée. Elle doit être même dans les plus petites mais elle a une valeur symbolique.

Par baichette

Passionné de voyages, photos avec un téléphone et de vente.

2 réponses sur « Vendredi 13 – Marseille »

J’ai commis l’erreur de visiter cette ville avec un véhicule immatriculé 75 (Paris). La haine des habitants pour le Parisien que je suis m’a particulièrement frappé. J’ai même été arrêté par les pandores pour avoir tourné dans une rue où c’était manifestement interdit. A ma surprise et mon argument que je n’avais fait que suivre la voiture qui me précédait, il me fut rétorqué que les gens du cru avaient le droit, mais pas les Parisiens. Quand on a une réflexion aussi bête, il ne reste plus qu’à s’en aller. Depuis, j’évite la ville et la Provence en général. Je n’y suis pas le bienvenu.

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