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Chroniques du confinement. 300 ans avant.

Le 22 juillet 1719, le Grand Saint Antoine quitte Marseille. Le navire a été armé par des notables de la ville dont le premier échevin Estelle et Chataud son capitaine. Le vaisseau relie Smyrne (aujourd’hui Izmir en Turquie), Lamaca (Chype) et Saïda (Liban). Dans cette ville il embarque des balles de coton et des sacs de cendre dont le rôle était d’absorber l’humidité des cales pour protéger les étoffes de l’humidité. La cendre était ensuite revendue aux savonneries de Marseille.

Le 22 juillet 1719, le Grand Saint Antoine quitte Marseille. Le navire a été armé par des notables de la ville dont le premier échevin (maire sous l’ancien régime) Estelle et Chataud son capitaine. Le vaisseau relie Smyrne (aujourd’hui Izmir en Turquie), Lamaca (Chype) et Saïda (Liban). Dans cette ville il embarque des balles de coton et des sacs de cendre dont le rôle était d’absorber l’humidité des cales pour en protéger les étoffes. La cendre était ensuite revendue aux savonneries de Marseille.

C’est à l’escale de Damas que le Grand Saint Antoine embarque de nouvelles cargaisons de soies certainement contaminées par des puces, elles-mêmes vecteur pour l’homme de la peste des rats. A l’époque il y a un système de surveillance médicale pour éviter la diffusion des épidémies. Dans chaque port méditerranéen un consulat français délivre des patentes qui garantissent l’innocuité des cargaisons. Il y a 3 niveaux de patentes :

  • Nette lorsque rien de suspect n’existe dans la région au moment du départ du bateau.
  • Suspecte lorsque règne dans le pays une épidémie de type peste.
  • Brute lorsque la région est contaminée.

En fonction de la patente le niveau de quarantaine à l’arrivée du vaisseau est variable :

  • Nette : 18 jours pour les personnes et 38 pour la cargaison
  • Suspecte : 25 et 40 jours
  • Brute : 35 et 60 jours.
Basilique du Sacré Coeur de Marseille. Le serment des échevins.

Ce système fonctionne bien et la dernière épidémie qui a frappé Marseille date de plus de 60 ans. Les démarches sont strictes et encadrées. Un bateau en provenance du Levant doit accoster à l’ile de Pomègues et son capitaine se rendre en barque au port de Marseille pour présenter les patentes qui lui ont été délivrées à chaque escale. La Consigne Sanitaire au pied du fort Saint-Jean décide de la durée de la quarantaine à appliquer aux personnes et aux marchandises.

A Damas le consul a délivré une patente nette alors que la peste sévit dans cette ville. Le Grand Saint-Antoine poursuit son périple vers Tripoli au Liban et charge encore de précieuses étoffes. Là encore une patente nette alors que la peste sévit également. Lors du voyage retour, le navire embarque des passagers dont un turc qui meurt. Lors d’une nouvelle escale à Chypre des passagers descendent d’autres montent. En quelques jours meurent 5 passagers et le chirurgien de bord. Le 17 mai 1720 l’escale de Livourne est refusée par les italiens qui judicieusement suspectent le navire d’être porteur de la peste.

Le 25 mai le Grand Saint-Antoine arrive à Marseille. Le capitaine Chataud produit ses patentes et informe l’intendant semainier des décès survenus pendant la traversée. Le 27 mai un matelot meurt à bord. En dépit de tout ceci le 29 mai les marchandises de valeur sont débarquées et le 3 juin le reste de la cargaison est déchargé. Les différents procès qui ont suivi ont abouti à innocenter Estelle en 1722 et Chabaud en 1723.

A mesure que se diffuseront dans la ville les étoffes infestées de puces porteuses du bacille de la peste, les premiers cas apparaîtront. Le premier décès attribué officiellement à la peste est constaté le 20 juin 1720. Puis 2 le 28 juin ainsi que le premier juillet. La peste est là. Le nombre de décès ne cesse de croitre. Dans son journal de paroisse, le 21 juillet le Père Giraud écrivait, désespéré, « Dieu déclare la guerre à son peuple ». Le 31 juillet le parlement d’Aix fait interdiction aux marseillais de sortir de leur terroir et aux habitants de le Provence de communiquer avec eux.

A Marseille à partir du 9 août c’est plus de 100 décès par jour qui sont constatés. Les infirmeries sont saturées, les cadavres sont dans la rue. La peste s’est déjà répandue à Arles, Aix-en-Provence et Toulon les premières. Rapidement Avignon et nombres de villages jusque dans le Languedoc, les Cévennes ou le Gévaudan sont touchés. A Marseille le commerce ne reprend qu’au printemps 1721 et le trafic portuaire ne reprendra normalement qu’en 1724 après une longue période de suspicion de la part des autres ports méditerranéens.

Un mur est construit dès fin 1720 pour éviter les contacts entre cette partie pestiférée et le reste du Royaume de France. On en voit encore des vestiges dans le Vaucluse. Sur une zone comprenant environ 400’000 habitants à l’époque, on estime le nombre de victimes entre 90’000 et 120’000. L’épidémie est très longue, le dernier foyer a disparu en 1722 à Marvejols (Lozère) avec 53% de sa population décimée.

A bientôt.

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Par baichette

Passionné de voyages, photos avec un téléphone et de vente.

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