C’est vrai que jusqu’à présent Adonis est le plus bel homme qui m’ait tenue dans ses bras. Après ce que qui s’est passé, j’ai peur d’avoir moins d’occasions pour établir des comparaisons .
Adonis, quel prénom. « Maman, Papa, voilà je vous annonce que je vais me marier. Adonis et moi on s’est déjà juré loyauté, entraide et fidélité. On se marie le 16 mai. ». Tout de suite quand le garçon s’appelle Adonis, ça passe mieux que Moktar, Tran ou Pentecôte, mais un doute subsiste. Tu ne vas pas un peu vite, c’est raisonnable de se marier au bout de 3 semaines ? C’est un slave, ils ont le sang chaud. Et tu as vu comme il est beau, il va y en avoir des femmes qui vont tourner autour. Tu crois qu’il va résister dans 3 mois, dans 3 ans, dans 5 ? Tu fais une erreur. C’est prouvé, c’était une erreur. Mais bon on a eu du bon temps tous les 2, 11 semaines libres et un peu moins de 3 semaines de confinement.
Quand on sortait Adonis et moi, toutes les filles me regardaient en se demandant « mais qu’est-ce qu’il peut bien lui trouver ». Lui il avait l’habitude des femmes qui le regardent. Et moi je les ignorais superbement. C’est difficile à faire parce qu’à ce moment tu n’as qu’une envie, c’est de leur faire un grand sourire à ces bécasses. Mais je suis assez douée pour ignorer les gens. Ensuite le confinement a commencé.
Au début on a baisé. Au lit ensemble 24 heures sur 24. Tous nus tout le temps, on baisait, on mangeait, on regardait la télé, on dormait aussi. Juste des pauses douches. Les 2 douchés, les draps changés…. On recommençait. On a fait comme ça pendant 9 jours mais déjà au bout de 4 ou 5 je commençais à me lasser. Certes mon bel Adonis était une bête au lit. Mais il m’aurait fallu de nombreuses semaines au même rythme pour qu’il commence à s’interroger pour découvrir que son plaisir ne correspond pas toujours exactement au mien. Alors on a ralenti. Il était vidé aussi l’Adonis, c’était pas un surhomme non plus.
Ensuite on a fait la fête. On a vidé les bouteilles du bar, puis de la cave, puis on a fumé ses restes d’herbe de son dernier séjour dans les Balkans. Ça nous a pris encore 5 jours et on en était au quatorzième jour. J’ai eu cette idée folle de lui proposer le jeu de la vérité – sans joker. On a commencé soft et du coup j’ai pu faire passer quelques idées pour nos parties de sexe. Ce soir là il s’est surpassé et avait décidé d’essayer de s’occuper de moi différemment. Le matin du 15ème jour nous avons poursuivi les questions et les réponses franches. C’est dingue les trucs que demandent les mecs…. Inimaginable. Dans la soirée, les interrogations sont devenues de plus en plus complexes, plus lentes et leurs réponses entraînaient d’autres questions complexes. C’est difficile l’intimité.
Le 16ème jour je lui ai demandé de bon matin « Quelle a été ta rupture la plus difficile ?». Lui m’a regardé et m’a répondu « Tu ne veux pas savoir ça. Je te donne un joker, et tu devrais le prendre je t’assure ». Bravache j’ai crâné « Pas de joker, c’est pas de joker !». Il était blanc Adonis, méconnaissable. Il m’a expliqué que pendant la guerre en Yougoslavie sa première épouse de 22 ans avait été violée par 3 soldats de l’autre camp. Il a tué les 3 types le jour même. Il est ensuite revenu dans son village et a abattu sa femme qui avait été déshonorée. Je lui ai tranché la gorge avec le couteau à pain. Direct, il a eu ce qu’il méritait. Du sang partout, il a agonisé une bonne minute. C’est long une minute quand tu vois un monstre mourir. Son dernier souffle rendu, je l’ai roué de coups de pieds et me suis effondrée à 2 mètres d’écart comme pour respecter la distance de sécurité.
Le matin du 17ème jour lucide malgré une nuit sur le carrelage, ma première question a été comment fait-on disparaître un corps pendant le confinement ? La seule idée qui est venue a été d’utiliser les grandes bassines de grand-mère qu’on a à la cave et de trouver de l’acide fluorhydrique. Mon expérience sur le sujet est limitée à celle fortement suggérée dans la série Breaking Bad. La verrerie du village en utilise pour décorer le verre, en passant par le jardin de la maison du gardien, on arrive au stock de produits dangereux sans trop d’escalade. La nuit du 17 au 18ème jour j’ai fait plusieurs allers-retours pour ramener des bidons de 24 Litres. Il fallait que je dorme. J’ai mis un drap sur lui. 18ème jour, découpe + trempage. Un bras 6 heures avant dissolution. Une cuisse 8 heures. Non seulement c’est l’horreur ultime de découper un humain et de le dissoudre, mais en plus dans l’acide ça pue, c’est une infection. J’ai bricolé un truc étanche entre 2 bassines pour envoyer les odeurs vers l’extérieur. Monsieur Weber du dessus m’a demandé si ça venait de chez nous ? Je lui ai dit que j’étais sur le point de l’appeler pour lui poser la même question. Le 20ème jour J’avais remis dans les bidons tout le liquide…. Mais il en avait plus qu’au départ, le corps décomposé fait du volume supplémentaire. Retour à la verrerie pour des bidons vides. Le 21ème jour une fois les bidons stockés à part, j’ai tout nettoyé, 3 fois. Il y a juste des éclaboussures d’acide qui ont fait des trous, Il faudrait que je les agrandisse puis que je répare. La nuit du 22 au 23ème jour, cambriolage de la déchetterie pour vider mon acide dans le recyclage des batteries automobiles. J’ai jeté les bidons dans les poubelles de la verrerie.
Seule.
Ce matin sa mère a appelé. Elle ne croit pas qu’il ait pu me quitter sans lui dire à elle où il allait. Elle s’étonne que je ne lui aie pas posé la question. Je sens bien que dans quelques jours elle va en parler à la police. Je vais nettoyer encore. Il ne faut pas qu’ils trouvent de traces.
Philippe Baichette
Il y a d’autres chroniques du confinement:
– 21ème jour (humour)
– 33ème jour (humour)
– 300 ans avant.
