Dans la vente de produits techniques la norme est souvent, pour les premiers contacts, d’éviter les services achats. On ne souhaite pas parler de prix avant de connaître les enjeux de production ou d’exploitation de nos prestations. Cette stratégie qui reste valable dans de très nombreux cas tend à s’avérer de moins en moins adaptée. Les acheteurs quittent le rôle d’approvisionnement qui leur était dévolu pour être impliqués dans des décisions d’achats de produits critiques pour la bonne marche de leur entreprise. Je vois de plus en plus souvent des cartes de visites indiquant « Responsable des Achats Stratégiques ».
Il y a encore quelques années, la vente de produits et services techniques se déroulait dans cet ordre :
– Rencontre avec les décideurs techniques et après une analyse de besoin, fourniture d’une première offre.
– Rencontre avec l’acheteur qui demandait une remise. Remise que l’on accordait après une discussion plus ou moins convenue, d’autant plus facilement que notre offre initiale incluait cette remise en surplus.
Chaque entreprise est amenée à être dans une situation de vente et donc, à être confrontée à ce genre de démarche dans ses activités commerciales. De là à comprendre qu’il y a mieux à obtenir d’un service achat il n’y a qu’un pas. La démarche achats stratégiques a débuté dans les années 1980 dans l’automobile. Elle a été suivie dans les grands groupes et compte tenu de son efficacité prouvée elle se répend dans toutes les entreprises. Je ne compte plus les excuses apeurées de commerciaux « C’est un nouvel acheteur, qui vient de l’automobile, c’est hyper compliqué, il a des méthodes qui ne marcheront jamais dans notre business mais pour le moment il fait des dégâts ».
Nous avons des équipes expérimentées qui ont joué pendant des années le conseil technique, la logistique service et qui ont pu ainsi avoir un niveau de réalisation des objectifs constamment élevé. Ce changement de cadre de référence (« changement de paradigme » pour ceux qui aiment les jolis mots employés à toutes les sauces depuis quelques années) peut pénaliser les entreprises qui n’y prendraient gare. Le type de réflexion de commercial qui doute pouvoir s’en sortir avec un acheteur issu de l’automobile doit élever le niveau de vigilance quant à la faculté d’approche financière du vendeur.
L’enjeu est assez grand, on peut très bien imaginer des entreprises connaître des développements de leurs ventes à 2 chiffres et ce, en présence une offre concurrentielle abondante, car elles ont compris ce point. Le contraire est également vrai.
Toute offre commerciale, doit être envisagée du point de vue des services auxquels elle est destinée. Le rôle du service achats est de faire gagner de l’argent à son entreprise, donc les offres que nous faisons doivent montrer ce point précis. Gagner de l’argent pour l’acheteur ne signifie pas nécessairement pour nous de céder notre produit à des prix indécemment bas. Il ne faut pas se faire d’illusion nous sommes attendus sur le point du prix actuellement perçu par le client. La baisse du prix est un réflexe très présent dans les services achats et c’est surtout la facilité pour le client : le même produit mais moins cher.
C’est au moment où notre acheteur parle de prix qu’il faut poser des questions. “Si je vous donnais le produit, vous gagneriez son coût d’achat. En revanche les coûts annexes seraient inchangés. Que diriez-vous de regarder ensemble une image plus large et envisager des gains notablement plus importants tout en améliorant les points X et Y dont on a parlé ensemble il y a 10 minutes?”
Avant d’envisager la moindre explication, questionner, questionner et questionner encore.
Ce qui est rassurant pour nos équipes, c’est que l’on peut revenir à la technique assez rapidement lorsqu’on rentre dans les détails des coûts et de leur maîtrise. Un acheteur sera sensible à des arguments chiffrés et des preuves factuelles. Ces éléments chiffrés sont à préparer avant la visite. Pour aider nos vendeurs experts, il est probable que l’on ait besoin de développer une/des méthode(s) de démonstration “colonne vertébrale” qui doit être adaptée par le vendeur à son cas précis du moment. Nos vendeurs experts doivent se muscler dans ce domaine pour aborder ces discussions aussi sereinement que celles au sujet d’un besoin technique. Parler argent fait partie des techniques.
Si on doit rentrer dans des détails techniques, il faut tout expliquer le plus simplement possible (relire ici pour quelques détails). Nous devons rendre la technique la plus compliquée compréhensible pour un néophyte, dans ses principes. C’est loin ‘être facile et je conseille de s’entraîner en tentant de faire comprendre à des enfants ou des personnes totalement étrangère à notre technique.
Attention, un acheteur qui dit qu’il a compris, le dit peut-être par crainte de se dévaloriser dans le rapport de force qu’il entend imposer. Évitons de nous montrer condescendant devant quelqu’un qui ne connait pas notre métier, ou qui ne comprend pas ce que nous lui disons, nous ignorons peut-être son influence., aujourd’hui et encore plus celle de demain.
Une autre façon de procéder c’est de rendre le client plus intelligent. Dans ce domaine, mon exemple favori est celui d’Hubert Reeves. Je parle de ce genre de personnes qui nous expliquent le cosmos, les trous noirs ou autre éléments de l’infiniment grand. Au cours de l’exposé on a l’impression d’avoir compris des notions qui nous échappaient complètement avant. Ces personnes nous rendent pendant quelques instants plus intelligents. Certes on n’a pas tous des choses aussi fascinantes que le cosmos à vendre, mais dans tous les métiers il y a des astuces, des tournemains, des idées de nature à rassurer un acheteur sur notre capacité à le comprendre et surtout à l’aider pour faire gagner de l’argent à sa société.
Je reviens prochainement sur les méthodes de questionnement.
A bientôt.