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Jouer la balle

En stratégie footballistique, l’Italie des années 1990 et 2000 représentait ce qui se faisait de pire pour le spectacle : 1 but et ensuite tout le monde en défense. On pouvait voir régulièrement les gardiens de but trainer pour relancer la balle, l’ensemble de l’équipe les yeux fixés sur le tableau d’affichage du temps restant pendant qu’ils jouaient à la « passe à 10 ». Un spectacle affligeant mais qui a eu son efficacité pendant un certain temps. L’élimination de l’Italie en phase de qualification de la dernière coupe du monde devrait faire disparaitre les dernières tendances favorables à ce type de jeu.

Dans les entreprises, il s’agit rarement de football mais on peut assez facilement faire un parallèle. L’informatique et ses progrès font que tout est connu en temps réel. Cette avancée technologique présente l’inconvénient majeur de ne donner que des photos d’une situation à un instant donné. L’automatisation des rapports entraine leur multiplication et chaque service peut établir sa version des « K.P.I. » (Key Performance Indicators) pour ce qui le concerne. La théorie et le but de ces KPI c’est de pouvoir prendre des décisions basées sur des données factuelles, mais hélas souvent seules les informations immédiatement disponibles sont considérées et une analyse très statique est faite. On se retrouve avec des managers qui indiquent qu’il n’y a pas assez de commandes, trop de retards, ou tel autre déficit par rapport à un budget et une période comparable dans le passé.

Il est évident que savoir quelle est la situation à un instant « T », est une indication primordiale pour diriger une entreprise ou un service d’une entreprise. Savoir pourquoi et comment on en est arrivé à cette à situation est déjà plus complexe dans une majorité de cas. Les indications des KPI sont les conséquences des actions du passé. C’est sur la reproduction ou non de ces actions qu’il faut travailler. Dans le cas contraitre, le risque fort est que chacun ne s’occupe uniquement de ses KPI et n’entreprenne aucune action qui puisse nuire à ces derniers. Le système peut assez facilement entrainer le « Gärtli denken » comme disent les suisses en Schwytzerdütsch (dialecte local). Chaque unité, service ou entité de l’entreprise pense à son « jardin » sans réellement se préoccuper de l’ensemble. De plus la tentation est forte de ne jouer qu’en gardant l’œil sur le tableau d’affichage. Les KPI sont établis sur la base de mesures extraites essentiellement des données informatiques et ils doivent être en relation avec les objectifs de l’entreprise. Pour des raisons de proximité avec les données, les informaticiens proposent leur vision de ce qu’il faudrait suivre. Celle-ci correspond-elle à ce dont on a besoin précisément ?

Tout n’est pas mauvais, loin de là, dans le fait d’établir des comparaisons, de connaître plus d’informations détaillées sur l’entreprise que l’on dirige. On s’approche cependant de la difficulté de résolution de la quadrature du cercle quand la stratégie de l’entreprise n’est pas clairement définie et ses facteurs primordiaux de succès encore moins. « On est là, on veut aller à tel endroit et on passera par telle route » devrait être clair pour chacun dans une entreprise avant toute publication d’indices de performance, de comparatifs de productivité et autres ratios… Sans cela, l’exposition des KPI est ressentie comme une sorte de flicage avec le niveau de frustration correspondant. Des personnels frustrés, même peu, sont-ils à même de donner le meilleur d’eux même pour servir un client ? Et pour faire correspondre leurs actions aux objectifs de l’entreprise ?

Heureusement que ce sont toujours des humains qui sont aux commandes des entreprises et que l’on peut se parler, communiquer et échanger des réflexions sur ce que sont nos marchés de croissance sur le long terme, ce que seront les services à offrir à nos clients dans le futur, comment garder notre avance sur telle niche, comment compenser notre retard sur un marché donné…. Etc. J’en reviens sans m’en apercevoir à des questions en rapport avec la route prise pour atteindre la destination souhaitée. « Il n’est pas de vent favorable pour celui qui ne sait où il va » que l’on prête à Sénèque parait un bon conseil en général et en particulier lorsqu’il s’agit de se lancer dans les mesures de performances sur une grande échelle. L’immédiateté est un bon principe au travail, elle est particulièrement adaptée lorsqu’il s’agit de s’occuper des clients et certainement un peu moins quand il s’agit de se contempler le nombril. Comme au football, le meilleur moyen de gagner est de jouer la balle le plus près possible du but adverse et de tenter sans relâche de marquer autant de buts que possible. En entreprise il y a encore moins de sens à regarder le tableau d’affichage : l’heure de fin de partie n’est généralement pas connue. Donc jouons la balle en priorité, mettons des buts, montrons du beau jeu : éclatons nous. Au coach de définir, améliorer voire changer la stratégie pour des résultats encore meilleurs. Mais de grâce restons enthousiastes et enthousiasmants pour les clients. Jack Welch, qui a dirigé plus de 20 ans General Electric en en faisant sous son règne la plus grande entreprise du monde disait : « If you are in business for anything else than profit and fun, what the hell are you doing here ? »

A bientôt

Par baichette

Passionné de voyages, photos avec un téléphone et de vente.

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