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Pour en finir avec le pain au chocolat

Deuis le temps qu’on en parle, il est temps de rétablir la vérité historique. On dit Chocolatine!

Gustave Camberoque boulanger de son état dans la bonne ville de Saverdun, avait annoncé sa décision à son épouse Justine, née Marfaing, avant la période de Noël : « Après la fête de Noël et l’Epiphanie, j’envoie notre fils Augustin chez mon ami boulanger à Vienne Hans Greifenender, il apprendra des nouveautés et il pourra reprendre la boulangerie quand il reviendra. Je ne suis plus tout jeune et je ne serai pas éternel ». Justine en 25 de vie commune, avait appris à obéir à son mari. Il faut dire que Gustave n’acceptait pas tellement la contestation. La dernière fois qu’elle s’est opposée à lui il l’a rossée et lui a cassé un manche à balai sur le dos. Elle s’inquiète, elle ne veut pas voir partir son fils en Autriche-Hongrie. Ces gens-là ne sont pas comme nous. Elle ne dit rien car ses côtes lui font encore mal suite à la dernière colère de son mari.

A l’aube ce 14 janvier 1871, il faut se mettre en route, les mines de Justine et d’Augustin sont bien grises. Les dernières embrassades échangées, Gustave presse son fils pour qu’il monte dans son chariot et qu’on puisse se mettre en route pour à Toulouse. Il y a 9 lieues à parcourir et le premier train vers l’est part en en début d’après-midi. Le fils montera dans un train et le père s’arrêtera au retour chez son meunier pour ramener de la farine. Augustin emmène avec lui, pour tout viatique, quelques pièces de 5 francs argent et un louis d’or de 20 francs, une lettre de recommandation de son père pour Hans Greifenender et ses 23 ans. C’est la première fois qu’il ira plus loin que Toulouse et là, il lui faut rejoindre Vienne.

Bien fatigué par ses 12 jours de voyage, Augustin parvient à la boulangerie de l’ami de son père Hans Greifenender en fin de journée. Vienne est incomparable avec Saverdun, mais le rythme à la boulangerie ne laissera que peu de temps à Augustin pour visiter. Les affaires de maître Greifefender sont florissantes. Le Tout-Vienne se presse dans sa boutique de la Rotenturumstrasse à un jet de pièce de la Cathédrale Saint Stephan. En 1683 Vienne était assiégée par les troupes ottomanes. Les turcs avaient planifié de creuser un tunnel sous les fortifications. Les boulangers qui sont toujours les premiers levés ont pu donner l’alerte et les turcs ont été vaincus. Tous les boulangers ont commencé à produire des croissants. Le croissant était le symbole de l’empire ottoman et les viennois pouvaient « manger du turc ». Le génie de maître Greifenender a consisté à compléter le croissant avec une barre de chocolat. Tout le monde veut déguster des Schokoladen-Croissants.

Rapidement Augustin comprend le potentiel commercial des Schokoladen-Croissants, alors, en élève appliqué, il apprend consciencieusement les secrets de fabrication des ces friandises. Il faut plier et replier la pate pour qu’elle devienne feuilletée. La cuisson est également très technique. Il travaille d’arrache-pied et au bout de 4 mois à Vienne, il se permet de suggérer à Maître Greifenender qu’il serait judicieux de différentier le produit par sa forme. Joignant le geste à la parole, il sort de sa blouse la première Schokoladen-Roulade. Enthousiaste Maître Greifenender adopte la forme et le succès est immédiat. Tout Vienne veut des Schokoladen-Roulade. Les clients les appellent tout simplement Schokoladen.

Il est temps pour Augustin de regagner sa ville natale. Maitre Greifenender le regarde partir à regret, c’était son ouvrier le plus appliqué et consciencieux. Après un voyage retour aussi long et fatigant que celui de l’aller, Augustin rejoint les siens. Il est fier de raconter ses expériences. Gustave lui laisse quelques jours avant de lui demander de travailler à la boulangerie. Alors Augustin qui veut produire des viennoiseries pousse son père à approvisionner une farine pour la pate feuilletée, du beurre et du chocolat. Ce dernier bien que réticent, à la nouveauté se laisse convaincre.

En quelques semaines les ingrédients sont réunis. Augustin est à la manœuvre et produit les premiers croissants et les Schokoladen du pays. Nous sommes le 19 mars 1872 et c’est le dimanche de Pâques. La vente des viennoiseries dépasse les espérances. Les saverdunois en revanche ont du mal avec la prononciation allemande des Schokoladen et très vite les clients vont adopter le nom Chocolatine. à la vente. Dans ce coin de l’Ariège la prononciation de Schokoladen devient très rapidement Chocolatine. Devant le succès des croissants et des chocolatines, Gustave et Augustin Camberoque décident d’ouvrir d’autres boulangeries en direction de Toulouse mais aussi plus au sud à Pamiers et à Foix. Ensuite la Chocolatine se répand dans tous le quart Sud-Ouest du pays en moins de 2 ans.

La confusion et la polémique qui durent toujours vient de la visite à Paris en 1874 du de l’émissaire de François-Joseph 1er (le mari de Sissi) qui était empereur d’Autrice-Hongie en ce temps. Son rôle était de faire accepter le compromis Austro-Hongrois aux gouvernements européens. Ernest von Koerber est venu avec son boulanger et a fait gouter les Schokoladen-Roulade aux membres du gouvernement de Patrice de Mac Mahon. Ces derniers se sont régalés et le boulanger de l’Empereur a enseigné sa recette aux boulangers parisiens. Les boulangers parisiens se sont empressés de nommer cette viennoiserie « Pain au Chocolat ».

Et comme Paris entend dicter ses règles à l’ensemble du pays, nous nous retrouvons avec une majorité qui parle de pain au chocolat alors qu’historiquement la chocolatine est le premier nom de cette viennoiserie. Il est plus que temps d’adopter définitivement la chocolatine.

Par baichette

Passionné de voyages, photos avec un téléphone et de vente.

3 réponses sur « Pour en finir avec le pain au chocolat »

Billet instructif.
Reste que ce sera toujours « pain au chocolat », parce que c’est ce qu’on demandait à Paris, du temps, fort lointain, que Paris était encore Paris (avant le prédécesseur d’Annie Dingo ou HidalgogolE). L’autre photo, c’est du pain *avec* du chocolat.
Si on adoptait les usages bordelais, on finirait par dire « poche » au lieu de « sac » !

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