Gérer une entreprise consiste à appliquer la règle qui devrait s’appliquer à toutes les économies, y compris celles des états : Faire en sorte que plus d’argent rentre dans les caisses que d’argent qu’il n’en sort. La différence devient le bénéfice. C’est souvent compliqué car il s’agit de la différence entre 2 grands nombres : tout ce qui rentre moins tout ce qui sort. Si on ne prend pas garde à ce qui se passe tout au long de l’exercice comptable, on peut se retrouver avec un résultat négatif donc un déficit.
Alors pour évaluer la valeur des entreprises les comptables ont trouvé l’EBITDA. C’est l’acronyme anglais de « Earnings Before Interest Taxes Depreciation and Amortization ». Ce qui en français donne BAIIDA pour « Bénéfice Avant Intérêts, Impôts, Dépréciations et Amortissements » mais personne ne l’emploie. C’est plus tendance de prétendre « l’EBITDA de ma société est monté à 12.4% » plutôt que de tenter « notre BAIIDA est de 13.7% ». Dans le 2ème cas il y a de fortes chances que l’on te regarde, étonné, « votre quoi ? ».
Brillante idée à la base que celle de l’EBITDA. Avec ce dernier, on peut comparer les entreprises sur des critères objectifs et similaires en écartant les particularités fiscales locales d’un pays à l’autre. Quand les entreprises sont grandes, avec des plans d’investissements sur plusieurs années on peut se rendre compte de la performance réelle et lisser l’influence positive ou négative de tel ou tel investissement ou incident de parcours.
Reste que piloter une entreprise uniquement en fonction de l’EBITDA (démarche que l’on remarque hélas de plus en plus) revient à conduire sa voiture en ne regardant que la jauge de carburant. Le niveau d’essence est bon, la consommation aussi mais on ne sait pas où l’on va et, tout aussi dangereux, on ne sait pas ce que font les autres usagers de la route. La comptabilité ne ment pas, c’est une certitude, mais il y a une différence entre la situation comptable et la situation d’une entreprise dans son marché et son environnement concurrentiel.
Inconscients voire incompétents (les 2 vont très souvent ensemble) certains directeurs financiers vont jusqu’à interdire les achats et investissements 2 mois sur les 3 derniers mois d’exercice comptable (généralement octobre et novembre) pour reporter les paiements effectifs en début de la période comptable suivante. Certes sur l’année comptable considérée, l’effet est bon sur l’EBITDA. En revanche il y aura d’une part une charge importante en début d’exercice de l’année suivante. D’autre part les personnels qui auront été gênés l’année précédente vont gonfler les stocks suffisamment en avance pour passer tranquillement le blocage des achats de l’année prochaine. Et là l’effet sur l’EBITDA sera plus que mauvais. Un investisseur s’il regarde l’EBITDA regarde surtout l’évolution de ce dernier sur plusieurs exercices….
Est-il utile de rappeler qu’une entreprise c’est autre chose qu’un ratio comptable ? Je pense malheureusement que oui. Pour faire un parallèle sportif, les exemples sont légions d’équipes de football qui, sur un match crucial, mènent 2 à 0 et commencent au milieu de la 2ème période à jouer la défense les yeux fixés sur le chronomètre. Leurs adversaires, eux, continuent de jouer le jeu et finissent par l’emporter 3 à 2. Sur les marchés aux bestiaux les maquignons disent toujours « c’est à la fin de la foire qu’on compte les bouses ». La sagesse paysanne…
Le bon sens voudrait que les dirigeants soient, en permanence, paranoïaques. J’ai une clientèle qui achète mes produits et services. Ces derniers ont leur prix et apportent une satisfaction par leur valeur unique aux yeux des clients. Que se passerait-il si un concurrent que j’ai toujours considéré de haut se mettait à faire mieux que moi et pour moins cher ? Suis-je suffisamment à l’écoute de mes marchés. Que sais-je réellement de la valeur perçue par mes clients pour mes produits et services ? Est-ce que l’étude de satisfactions annuelle que je réalise est significative ? Que pensent ceux qui ne sont pas clients de notre niveau de performance ? A quel niveau dois-je me placer pour agrandir ma clientèle ? En résumé, quelle est ma stratégie pour survivre, me développer sur mes marchés dans 6 mois, 2 ans, 5 ans et plus.
Enfin, et surtout, une entreprise est un ensemble d’hommes et de femmes qui apportent leurs compétences, leurs talents, leurs personnalités. Le rôle des managers est de faire en sorte que tous jouent la même partition et en même temp. Comptablement cet équilibre est impossible à calculer. L’EBITDA montre clairement ses limites et il ne faut le prendre que pour ce qu’il est : un ratio comptable. Un ratio ne peut refléter uniquement les résultats de la gestion passée. Le futur, lui dépendra de ceux qui vont agir. Un dirigeant qui ne s’en remet qu’au suivi comptable fait une erreur qui lui sera fatale. Il dégoutera ses talents, créera des baronnies au sein de son organisation et démotivera l’ensemble de ses équipes. Pour finir, son EBITDA deviendra épouvantable.
4 réponses sur « L’abus d’EBITDA nuit gravement à la santé de l’entreprise »
La lecture de vos blogs m’est souvent agréable, les sujets enrichissants et vos photos superbes. Le sujet d’aujourd’hui me laisse penser que vous savez de quoi vous parlez et je dois avouer avec une certaine amertume que je reconnais des similitudes avec mon vécu.
Merci de partager vos expériences.
Bonne journée
Serge
Toute ressemblance avec la réalité est fortuite 😇
Merci pour votre suivi et vos commentaires.
Bonne journée.
Philippe
Holà Philippe,
Toute ressemblance étant bien sûr fortuite, toute correspondance directe serait bien entendu parfaitement déplacée !
Merci pour la pertinence de tes commentaires et pour ce bon sens qui fait du bien 🙂
Je confirme la ressemblance fortuite😁
Merci du suivi et du commentaire.